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Mandat d’arrêt européen et « Arrest Shopping »

30 avril 2019
Actualité MAE

Cour de Cassation, Chambre criminelle, 19 février 2019, n° 19-80513

Droit pénal international : Saisie d’une procédure d’exécution de mandat d’arrêt européen (« MAE »), une chambre d’instruction ne peut, pour ordonner la remise d’un ressortissant français à l’Etat requérant, se dispenser de l’avis du Procureur de la République prévu par l’article 728-42 du Code de procédure pénale, les autorités judiciaires de ce même Etat ayant sollicité la reconnaissance et l’exécution de la peine prononcée sur le territoire français.

De nationalités française et algérienne et résident espagnol, M. X s’est fait arrêter en France en exécution d’un MAE émis par les autorités italiennes, aux fins d’exécution d’une peine d’emprisonnement prononcée par la Cour d’appel de Rome dans un arrêt du 4 mars 2015, devenu définitif le 10 novembre 2016.

Pour s’opposer à sa remise aux autorités italiennes, le condamné, qui a reconnu se rendre en France car il préférait être interpellé sur le territoire français, a sollicité le bénéfice des dispositions de l’article 695-24, 2° du Code de procédure pénale selon lequel l’exécution d’un MAE peut être refusé si la personne recherchée est de nationalité française.

Dans cette hypothèse, la jurisprudence a déjà été amenée à préciser que la Chambre de l’instruction saisie de l’exécution du MAE devait vérifier (dans le cadre de la demande de complément d’informations prévue par l’article 695-33 du Code de procédure pénale) si l’Etat requérant envisageait de formuler une demande aux fins de reconnaissance et d’exécution de la condamnation sur le territoire français (Crim. 10 août 2016, n° 16-84723) ; procédure distincte de celle de l’exécution d’un MAE, prévue par les articles 728-31 et suivants du Code de procédure pénale.

En l’espèce, interrogées sur ce point par la Chambre de l’instruction près la Cour d’appel de Versailles, les autorités italiennes ont répondu positivement et transmis le certificat visé à la décision cadre 2008/909/JAI afin de demander la reconnaissance et l’exécution de la peine d’emprisonnement sur le territoire français.

Malgré cette demande, la Chambre de l’instruction a persisté dans l’exécution du MAE en considérant que la nationalité française du condamné n’était pas, au regard de la situation personnelle de l’intéressé, suffisante pour empêcher sa remise aux autorités italiennes.

En effet, la Chambre de l’instruction a considéré que le condamné résidant avec sa femme et ses cinq enfants en Espagne, le lien avec le territoire français était trop faible pour justifier l’exécution de la peine en France (et ce malgré la présence sur ce territoire de la mère du condamné et de sa première fille, issue d’une précédente union). La Chambre de l’instruction a donc ordonné la remise de M. X aux autorités italiennes en exécution du MAE (Cour d’appel de Versailles, Chambre de l’instruction, 15 janvier 2019).

Cette décision de remise du condamné aux autorités italiennes est annulée par la Cour de cassation aux motifs que la Chambre de l’instruction n’a pas fait état de l’avis du Procureur de la République quant à la demande de reconnaissance et d’exécution sur le territoire français de la peine italienne adressée dans la cadre du complément d’informations, alors que selon l’article 728-42 du Code de procédure pénale, le Procureur de la République « décide, dans un délai maximal de huit jours, s’il y a lieu de reconnaître la décision de condamnation à une peine ou à une mesure de sûreté privative de liberté comme étant exécutoire sur le territoire français ».

Cette solution présente un double intérêt.

Tout d’abord un intérêt pratique puisque la solution retenue par la Chambre de l’instruction allait à l’encontre non seulement de la volonté du condamné, ressortissant français, mais également à l’encontre de la position des autorités italiennes, également en faveur d’une exécution de la peine en France. Dans ces conditions, une remise du condamné aux autorités italiennes aurait pu apparaître comme un dysfonctionnement de la collaboration judiciaire pénale entre États Membres.

Par ailleurs, cette décision présente un intérêt juridique : alors que la Chambre de l’instruction avait cru pouvoir se dispenser de respecter la procédure sur la demande de reconnaissance et d’exécution de la peine sur le territoire français, sous prétexte que cette demande était intervenue dans le cadre d’une procédure d’exécution d’un MAE, la Cour de cassation a rappelé qu’on ne pouvait y déroger, notamment concernant l’avis du Procureur de la République de l’article 728-42 du Code de procédure pénale.

 

Mathieu Le Rolle

Partner

 

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