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To surrender or not to surrender – Brexit – Le Royaume-Uni offre les garanties nécessaires à l’exécution d’un MAE pendant la période de transition

30 avril 2019
Actualité brexit

 

CJUE, 19 septembre 2018, RO – C-327/18 PPU, EU:C:2018:733

Droit pénal international : La seule notification par un Etat Membre de son intention de se retirer de l’UE n’a pas pour conséquence que, en cas d’émission par cet Etat membre d’un mandat d’arrêt européen à l’encontre d’une personne, l’Etat membre d’exécution doive refuser d’exécuter ce mandat d’arrêt. En l’absence de motifs sérieux et avérés de croire que la personne faisant l’objet dudit mandat d’arrêt européen risque d’être privée des droits reconnus par les lois de l’UE, à la suite du retrait de l’UE de l’Etat membre d’émission, l’Etat membre d’exécution ne saurait refuser d’exécuter ce même mandat d’arrêt européen tant que l’Etat membre d’émission fait partie de l’UE.

Recherché dans le cadre de deux mandats d’arrêt européens émis par le Royaume-Uni en application de la décision-cadre 2002/584 (ci-après la « Décision-cadre »)[1], pour des faits passibles de réclusion à perpétuité, RO a été arrêté en République d’Irlande et s’est opposé à sa remise au Royaume-Uni.

RO faisait notamment valoir l’existence d’une incertitude sur le régime juridique qui lui sera applicable après le retrait effectif du Royaume-Uni de l’UE, lequel devrait intervenir, compte tenu de la peine encourue, au cours de la période de détention.

La High Court, juridiction irlandaise de renvoi, a alors identifié les droits issus de l’ordre juridique européen potentiellement remis en cause post-Brexit :

  • le droit à déduction de la période de détention réalisée dans l’Etat Membre d’exécution (article 26 de la Décision-cadre) ;
  • la règle de spécialité conférant à la personne recherchée le droit de n’être ni poursuivie, condamnée ou privée de liberté que pour l’infraction ayant motivé sa remise (article 27 de la Décision-cadre) ;
  • le droit limitant la remise ou l’extradition ultérieure vers un Etat autre que l’Etat Membre d’exécution (article 28 de la Décision-cadre) ;
  • le respect des droits fondamentaux de la personne remise conformément à la charte des droits fondamentaux de l’UE, en particulier l’article 4 de la charte relatif à l’interdiction de peines ou de traitement inhumains ou dégradants.

La High Court irlandaise a alors saisi la CJUE d’une question préjudicielle consistant en substance à demander si la notification par un Etat Membre de son intention de se retirer de l’UE conformément à l’article 50 du TUE peut donner droit à l’État Membre d’exécution, en cas d’émission par l’État Membre retrayant d’un mandat d’arrêt européen de refuser d’exécuter ce mandat ou d’en différer l’exécution dans l’attente de précisions sur le régime qui sera applicable dans l’Etat membre d’émission après son retrait de l’UE.

Dans son arrêt du 19 septembre 2018, la CJUE répond par la négative en avançant tout d’abord que la notification d’intention de retrait de l’UE par un Etat Membre n’a pas pour effet de suspendre l’application du droit de l’Union au sein de cet Etat. Par conséquent, ce droit, qui intègre la Décision-cadre, reste pleinement en vigueur jusqu’à son retrait effectif. La notification de retrait ne constitue donc pas une circonstance exceptionnelle s’opposant à la remise de la personne recherchée.

Par ailleurs, la CJUE relève que le retrait du Royaume-Uni de l’UE serait sans incidence sur les droits et règles européennes identifiés par la High Court en matière de conditions et modalités d’exécution de détention. En effet :

  • concernant le droit à déduction, il est incorporé au droit national du Royaume-Uni et appliqué indépendamment du droit de l’UE ;
  • les dispositions des articles 27 et 28 de la Décision-cadre sont reflétés aux articles 14 et 15 de la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 à laquelle le Royaume-Uni demeurera partie après son retrait effectif de l’UE ;
  • l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’UE reprend l’article 3 de la Convention Européenne de Droits de l’Homme qui demeurera applicable au Royaume-Uni.

Ainsi, un État Membre ayant notifié son intention de quitter l’UE pourra continuer à solliciter le bénéfice des dispositions de la Décision-cadre sur les mandats d’arrêts jusqu’à son retrait effectif si l’analyse de son droit national permet de présumer que, à l’égard de la personne objet de la remise, l’ancien État Membre continuera de garantir en substance, après son retrait effectif de l’UE, les droits tirés de la Décision-cadre relatifs à la période postérieure à sa remise.

[1] Décision cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (JO 2002, L 190, p. 1) telle que modifiée par la décision cadre.

 

Mathieu Le Rolle

Partner

Meltem Avocats intervient en droit pénal international (mandat d’arrêt européen, procédures d’extradition), commun et des affaires. Savoir-faire Meltem