Cass. com., 14 nov. 2018, n° 17-10.184, n° 895 F-D
Clause compromissoire: « [L]orsqu’un litige qui relève d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci doit se déclarer incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable »
Un premier litige opposait un constructeur de navires patrouilleurs à une société chargée de leur promotion auprès des Émirats Arabes Unis, le constructeur ayant en mars 1985, selon le représentant commercial, rompu abusivement le contrat de représentation commerciale qui les liait.
Le représentant commercial obtenait le 21 janvier 1987 du Tribunal de Commerce de Paris reconnaissance du caractère abusif de la résiliation et réparation de son seul préjudice moral, s’étant réservé de réclamer l’indemnisation de son préjudice matériel à un stade ultérieur. Cette décision était confirmée par la Cour d’Appel de Paris le 11 janvier 1990 et le pourvoi présenté par le constructeur était rejeté par la Cour de Cassation par arrêt du 9 juin 1992.
Entre la décision rendue par la Cour d’Appel de Paris et la décision de la Cour de Cassation, l’actionnaire à 99,99% du constructeur avait cédé l’intégralité de sa participation par contrat de cession d’actions en date du 13 janvier 1992 contenant une clause compromissoire prévoyant la compétence d’un tribunal arbitral pour tout litige relatif à l’interprétation, à la validité et à l’exécution de la cession.
Le 20 avril 1993, le nouvel actionnaire du constructeur introduisait une procédure arbitrale visant notamment à condamner l’ancien actionnaire à le garantir de tout passif non révélé dans les comptes du constructeur et trouvant son origine antérieurement à l’acte du 13 janvier 1992.
En juin 1998, le représentant commercial assignait finalement devant le Tribunal de Commerce de Paris le constructeur en paiement de la somme de 37.068.661 euros, au titre de la réparation de son préjudice matériel.
Le nouvel actionnaire appelait alors en garantie l’ancien actionnaire dans le cadre de la procédure initiée par le représentant commercial, au motif qu’il aurait dissimulé des informations sur la teneur et les risques liés à la procédure engagée par le représentant commercial lors de la cession de sa participation.
L’ancien actionnaire soulevait alors l’incompétence de la juridiction saisie, au profit du tribunal arbitral, pour juger de cette demande.
Le Tribunal de Commerce de Paris se déclarait compétent. Saisie sur cette question d’un appel par l’ancien actionnaire, la Cour d’Appel de Paris retenait que les faits dont elle avait à juger étaient étrangers au litige sur lequel le tribunal arbitral précédemment saisi avait statué, dès lors que la demande de garantie se fondait sur des dissimulations commises par l’ancien actionnaire sur les risques présentés par le litige avec le représentant commercial lors de la conclusion de la cession et non antérieurement à celle-ci.
Pour retenir sa compétence, la Cour d’Appel s’est ainsi contentée de distinguer l’objet de la procédure arbitrale initiée en 1993 de celui de l’appel en garantie présenté par le nouvel actionnaire devant les juridictions étatiques, pour en conclure que le tribunal arbitral n’avait pas été saisi de la même question. Elle n’a pour autant pas statué quant à l’éventuel caractère manifestement nul ou inapplicable de la clause compromissoire.
La Cour de Cassation au visa de l’article 1448 du Code de procédure civile et du principe compétence compétence, rappelle que « lorsqu’un litige qui relève d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci doit se déclarer incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable« . Faisant application classique du principe compétence compétence, elle casse logiquement l’arrêt d’appel en ce que la Cour d’Appel n’a pas établi le caractère manifestement nul ou inapplicable de la clause compromissoire litigieuse invoquée.
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