Exécution directe d’une décision exécutoire rendue dans l’espace judiciaire européen – Certificat attestant du caractère exécutoire de la décision – Caractère quasi-automatique de la délivrance du certificat – Contrat conclu avec des consommateurs : la juridiction saisie d’une demande de délivrance du certificat relatif à la force exécutoire d’une décision définitive ne doit pas examiner la compétence de la juridiction qui a rendu cette décision
CJUE – Arrêt du 4 septembre 2019 – Affaire C-347/18 – Salvoni / Fiermonte
Exécution directe au sein de l’espace judiciaire européen
Le Règlement (UE) n° 1215/2012 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (« Bruxelles I bis »), en vigueur depuis le 10 janvier 2015, a consacré la notion de libre circulation des décisions au sein de l’espace judiciaire européen en permettant l’exécution directe dans un État membre d’une décision exécutoire rendue dans un autre État membre.
La procédure d’exequatur est ainsi supprimée, la partie qui entend faire exécuter dans un État membre une décision rendue dans un autre État membre pouvant directement procéder, sous réserve toutefois de l’obtention préalable et de la signification d’un certificat émanant de la juridiction d’origine, attestant du caractère exécutoire de la décision dans son pays d’origine (selon un formulaire visé à l’article 53 du Règlement et fourni en Annexe I du Règlement).
Toute partie intéressée peut néanmoins présenter une demande de refus de reconnaissance ou d’exécution devant les juridictions compétentes du pays où l’exécution est sollicitée.
En l’espèce, refus de la juridiction saisie de délivrer le certificat constatant le caractère exécutoire après analyse de la compétence de la juridiction ayant rendu la décision définitive
Dans le cas d’espèce, le demandeur italien (un avocat, prestataire professionnel) avait obtenu une injonction de payer rendue par le Tribunale di Milano à l’encontre du défendeur allemand (une personne physique, consommateur) devenue définitive selon la loi italienne en l’absence d’opposition du défendeur.
Le demandeur demandait alors au Tribunale di Milano l’émission d’un certificat relatif à la force exécutoire de cette injonction conformément à l’article 53 du Règlement. Le Tribunale di Milano, considérant que la relation entre le demandeur et le défendeur était assimilable à un contrat de consommation refusait d’office d’émettre le certificat estimant que l’injonction ne pouvait pas être émise par une juridiction italienne incompétente au titre des règles spécifiques de compétence applicables aux contrats de consommation (Section IV du Règlement).
Confirmation par ma CJUE de sa jurisprudence constante relative au caractère quasi-automatique de la délivrance et à l’impossibilité pour la juridiction saisie d’une demande de délivrance du certificat constatant le caractère exécutoire, d’examiner la compétence de la juridiction qui a rendu la décision exécutoire (y compris s’agissant de vérifier le respect des règles de compétence spéciales applicables en matière de contrats conclus avec des consommateurs)
Dans ce contexte, le Tribunale di Milano demandait à la Cour de justice si le Règlement « Bruxelles I bis », permet à la juridiction saisie de la demande de délivrance du certificat relatif à la force exécutoire d’une décision définitive de vérifier d’office si les dispositions sur la compétence juridictionnelle ont été méconnues, afin d’en informer le consommateur, rappelant que la question concernant la nature abusive des clauses des contrats conclus par des consommateurs doit être examinée d’office.
La Cour, confirmant sa jurisprudence sur le caractère quasi-automatique de la délivrance de ce certificat jugeait que :
- la juridiction saisie d’une demande de délivrance du certificat relatif à la force exécutoire d’une décision définitive ne doit pas examiner la compétence de la juridiction qui a rendu cette décision. Cette règle s’applique également s’agissant de l’éventuelle vérification du respect des dispositions spéciales de compétence en matière de contrats conclus avec les consommateurs ;
- il appartient au consommateur défendeur de vérifier la compétence de la juridiction d’origine et de refuser, le cas échant, la reconnaissance. Le fait que le consommateur conserve, en application de l’article 45 du Règlement, la faculté de refuser la reconnaissance de la décision en cas de violation des règles de compétence, permet d’atteindre l’objectif de protection de la partie la plus faible, établi notamment par le considérant 18 du Règlement.